Des filles… et un ordinateur !

Des filles… et un ordinateur !
Le fameux Tandy TRS-80 Model 1

10 PRINT “Bonjour !”

Nous sommes en septembre 1980, aux tous premiers jours de la rentrée scolaire. Je rejoins mon nouvel établissement, le collège André Maurois, à Neuilly sur Seine, où j’entre en 3ème.

Que de changements pour moi ! Les filles… et l’informatique.

Venant de Sainte-Croix de Neuilly, alors collège réservé aux garçons, me retrouver dans une classe mixte fait éclore des papillons jusqu’alors inconnus. J’ai 14 ans et cette année sera la plus importante de ma vie. Rappelez vous ! Valéry Giscard d'Estaing était alors Président de la République, élu quelques années auparavant à l’âge de 48 ans ! Mais ce n’est pas le sujet…

Des filles donc, et un ordinateur… Très franchement, je ne sais pas pourquoi, mais je me retrouve devant la porte du club informatique du collège. Je n’ai aucune idée de ce qu’est un ordinateur, et encore moins de comment il est possible de le programmer.

Mais je m’en souviens parfaitement, le local du club informatique est visible, de loin, au travers des vitres du patio du collège. Il me semble y distinguer les deux cercles des lecteurs de bandes magnétiques que l’on voit dans les films de l’époque. Je n’ai jamais été aussi proche d’un ordinateur. Mais dès la porte du club ouverte, ma déception sera totale. Ce que je croyais être, à travers les vitres, le lecteur de bande magnétique se révèle, une fois entré dans la salle… les portes d’une simple armoire. L’Ordinateur, avec un grand “O”, que j’imaginais imposant et encombrant, c’est finalement le petit truc posé sur une table à côté, devant un écran et un magnétophone à cassette.

Pour la première fois, je découvre un Tandy TRS-80 Model 1, qui va occuper mes mercredis et mes fins de semaines. C’est ridiculement petit. L’unité centrale - je ne connais pas encore ce mot à l’époque - est dissimulée sous le clavier. L’écran monochrome lui est connecté, tout comme le magnétophone qui servira à enregistrer ou charger les programmes.

Je découvre dans le même temps ce qu’est la programmation. Et je crois que le déclic vient de là. Pour la première fois, je peux donner des ordres à une machine, et elle va les exécuter. 10 PRINT “Bonjour Philippe”, un petit “RUN”, et la machine affiche à l’écran “Bonjour Philippe” ! Incroyable !

La programmation enseigne deux qualités essentielles de la vie : la précision et la logique.

La logique est un concept incroyable. Un ordinateur ne fait jamais ce qu’il veut. Il fait ce que vous lui avez dit de faire. Et s’il ne le fait pas, ce n’est pas lui qui se trompe, c’est vous qui lui avez donné la mauvaise instruction. Pour cela vous devez penser à la manière de résoudre le problème que vous voulez enseigner à l’ordinateur. C’est ce que l’on appelle l’algorithmie, et cela passe par le dessin d’organigrammes. Un algorithme bien construit accélèrera et facilitera de manière incroyable la programmation.

Second concept, le détail. La machine n’imagine pas, ne pense pas à votre place, et comprend une syntaxe incroyablement précise. Oubliez un guillemet, un point-virgule, un numéro de ligne, et rien ne fonctionnera.

Comment vais-je apprendre à programmer à l’époque ? Comme toutes les IA d’aujourd’hui, en copiant. Des livres, des magazines, commencent à être commercialisés, contenant des programmes. Le plus intéressant, Hebdogiciel, qui regorgeait de programmes prêts à être recopiés.

Ce sont donc des heures, des soirées, des week-ends, que je passerai à recopier ces magazines dans l’ordinateur; à la recherche du point virgule oublié qui fait que l’exécution du programme plante. Et c’est incroyablement formateur. Car en lisant, recopiant, relisant, corrigeant, on finit par comprendre comment cela fonctionne. Ce n’est finalement qu’un langage parmi d’autres. Seule différence, il ne tolère pas la moindre faute d’orthographe.

Et je ne vous parle pas du stress du magnétophone à cassette, seule manière d’enregistrer un programme que vous aviez passé des heures à taper. En effet, pas de mémoire permanente, une prise de courant débranchée, une coupure, et vous aviez perdu des heures de travail. Le magnétophone n’était pas non plus parfait. Le champ magnétique s’enregistrait parfois mal. Seule manière de vérifier : recharger le programme. Mais si la sauvegarde était incorrecte, elle écrasait le programme en mémoire, et vous aviez encore une fois tout perdu.

C'est ainsi qu’il y a 43 ans, mon existence allait prendre ce tournant, fil conducteur de ma vie professionnelle, de mes passions, de certains de mes échecs, et je l’espère de mon futur !

Quelques mois après, j’achetais un Sinclair ZX-81 pour avoir un ordinateur à la maison. Si cela vous intéresse, je vous raconterai cette histoire un autre jour.

100 END

Billet publié initialement sur le blog Digital Retro de Christophe Coupez : https://www.digital-retro.fr/post/témoignage-philippe-niewbourg