Quand les Cowboys Fringants chantaient la destruction créatrice

Quand les Cowboys Fringants chantaient la destruction créatrice
Photo Philippe Nieuwbourg - Les Cowboys Fringants à L'Olympia à Paris le 6 février 2012

Connecting the dots”, disait Steve Jobs dans son fameux discours à Stanford. Il y a des moments où la fulgurence d’une idée, telle un court-circuit entre deux neurones, rend évidente une liaison totalement incongrue.

En lisant ce soir un article de Daron Acemoglu, dont le titre est “Sommes-nous préparés à la destruction créatrice de l’IA ?”, j’ai eu cette éclair, associer Joseph Schumpeter et les Cowboys Fringants !

Alors Schumpeter, vous connaissez, j’espère, ou sinon, il faut revoir vos cours d’économie. Il est l’auteur du pavé totalement indigeste, mais fondation de théories économiques, “Capitalism, Socialism, and Democracy”, paru en 1942. Les Cowboys Fringants, vous ne connaissez peut-être pas, je vous excuse. Un groupe de musique québécois (dont je suis un des fans depuis la première heure) qui sévit depuis 30 ans au rythme de chansons à texte entrainantes, et dont le chanteur, Karl Tremblay, est malheureusement décédé d’un cancer fin 2023. Bon, tout cela pour remettre dans le contexte.

Passons au coeur du sujet. Daron Acemoglu se pose la question dans son article de la destruction créatrice engendrée ou à l’origine de l’intelligence artificielle. Il nous explique “la tendance humaine à interpréter le monde qui nous environne par des archétypes de contraires imbriqués”… oui, vous avez le droit de relire la phrase. Il nous rappelle que Ibn Khaldoun, philosophe arabe du Moyen-Âge “voyait s’inscrire dans l’essor d’un empire sa chute ultérieure”. En 1913, Werner Sombart formalise ce qu’il n’appelle pas encore la destruction créatrice : “de la destruction surgit un nouvel esprit de création”. La révolution numérique, qui englobe la digitalisation de l’économie, le pouvoir des données, et les progrès de l’intelligence artificielle, va générer une destruction créatrice au moins aussi forte que celle de la révolution industrielle 200 ans auparavant.

Mais alors nos Cowboys Fringants me direz-vous. Nous y venons. En lisant l’article cité ci-dessus, j’ai immédiatement connecté ses lignes aux paroles d’une chanson qui m’accompagnait en 2012 lors de mon départ de France pour le Québec. Son titre : “Entre deux taxis”. C’est une balade qui raconte comment finalement toute histoire d’amour commence à se terminer dès le premier baiser. “Inscrire dans l’essor d’un empire sa chute ultérieure”… c’est exactement cela.

Oh, qu'il est triste le sort des amoureux
Qu'on se dit lorsque tout est terminé
Car on commence toujours à se dire adieu
Dès notre premier baiser

Alors, en conclusion ? Tout d’abord je me rends compte que ce genre de connexion, seul un cerveau humain est capable de la réaliser, en connectant les points de sa mémoire. Bonne chance à ChatGPT avant qu’il n’analyse que la chanson des Cowboys Fringants parle en réalité de destruction créatrice - maintenant, il va sans doute pouvoir faire le lien, car en ayant intégré ce blog à son LLM, sans me demander mon autorisation, il va apprendre et peut-être un jour le réutiliser.

Une question m’intrigue quand même, que je ne pourrai malheureusement jamais poser à Karl, mais qui peut-être arrivera aux oreilles de sa compagne Marie-Annick Lépine. Marie-Annick, lorsque vous avez composé “Entre deux taxis”, est-ce que vous avez pensé à Schumpeter ??? Bon franchement, j’espère que non, vous aviez beaucoup trop de fun pour cela, et tant mieux !

En tous cas, voilà la petite histoire de pourquoi à partir d’aujourd’hui, lorsqu’une diapositive de mes formations parlera de destruction créatrice, il y aura cette superbe photo des Cowboys Fringants, prise à l’Olympia à Paris le 6 février 2012, et “Entre deux taxis” en fond sonore.