Incursion dans le monde du jeu de société

Incursion dans le monde du jeu de société
Photo Philippe Nieuwbourg

J’avoue, je ne suis pas joueur. Je n’ai jamais vraiment aimé jouer, à part peut-être au Monopoly. Sans doute le jeu me semble-t-il trop éloigné de la réalité, dont je préfère le concret au rêve procuré par le jeu.

Mais œuvrant depuis des décennies dans le monde de la formation, je n’ai pu échapper à un mot qui naturellement me semblait horrible, la « gamification » ou ludification en français. Transformer en jeu quelque chose de sérieux… j’ai tenté de lutter contre ce phénomène, surtout quand il était accompagné de l’adjectif « ludique ». Tout devenait jeu et devait être ludique et interactif. À l’époque du Musée de l’Informatique, impossible de transmettre une information sur l’histoire des ordinateurs aux visiteurs. Ils ne devaient plus lire, mais regarder une vidéo ; ils ne devaient plus écouter un guide, mais interagir ; ils ne devaient plus suivre un parcours, mais jouer.

Dans la vie, il faut parfois reconnaitre que si l’on est le seul à penser avoir raison, c’est peut-être que l’on a tort. Et je sens bien que la ludification dépasse largement mes inclinations naturelles à la lecture par exemple. Donc, dont acte, prenons notre bâton de pèlerin et avançons.

Comme formateur, je suis clairement confronté aujourd’hui au défi de maintenir mes participants attentifs pendant plusieurs heures par jour et pendant plusieurs jours d’affilée. L’accélération du monde est passée par là, et je dois m’adapter.

J’ai donc cherché à créer un moment ludique, permettant aux participants de créer quelque chose, d’échanger entre eux sur le sujet, et par là même, d’apprendre peut-être mieux qu’en m’écoutant.

N’y connaissant rien, j’ai choisi de commencer par un simple jeu de cartes. Des cartes à assembler pour construire une architecture d’entreprise sur mon thème de prédilection, la gestion des données, les « data ». N’ayant pas conscience du monde parallèle dans lequel je tentais une incursion, j’ai simplement listé les cartes dont je souhaitais disposer, et trouvé un imprimeur en ligne me permettant d’obtenir en quelques jours un prototype prêt à être utilisé.

Ma commande : 72 cartes de format supérieur aux cartes de jeu habituelles, avec au verso le logo de Decideo, et au recto plusieurs dizaines de mots sur un fond de couleur différent. Des cartes bleues pour représenter les parties prenantes internes (direction, comptabilité, opérateur de saisie…), vertes pour les parties prenantes externes (banque, état, clients…), et le plus important, orange pour les éléments du système d’information (data warehouse, data lake, base de données, ETL…).

C’est un investissement, mais tout à fait raisonnable, j’ai fabriqué six exemplaires de mon jeu, et cela m’a couté environ 50 euros par exemplaire, tous frais inclus. L’idée était de disposer d’un jeu par équipe de quatre ou cinq personnes, et faire travailler plusieurs groupes sur la même étude de cas.

Un grand merci à Dexia, dont l’équipe data a été le cobaye de cette première session. Ils ont parfaitement joué le jeu, ont posé des questions, ont cherché des solutions, et ce moment ludique a rythmé la formation. Bravo à eux !

Les points forts :

  • Le jeu est versatile. Il agit comme un ensemble de composants (un peu comme des briques de Lego), et s’adapte donc à toutes les études de cas possible.
  • Portable, peu couteux, utilisable sur une simple table (grande…)

Mais ce premier jeu de cartes me permet de lister dès maintenant les défauts que je vais devoir corriger :

  • Pas de plateau de jeu, donc pour l’instant, il faut réunir des tables (au moins quatre, si l’on veut construire une architecture complète), et la taille des cartes est peut-être un peu grande.
  • La position du jeu, horizontale sur une table, est idéale pour une petite équipe, mais ne permet pas d’utiliser le jeu de cartes devant toute une salle ; si les cartes étaient aimantées, ou adhésives sur un tableau blanc, cela permettrait de construire face à l’ensemble des participants. La patafix, on oublie, les cartes vont trop souffrir. Donc… solution à chercher.
  • Il manque des cartes ! J’ai imaginé et envoyé à l’impression mon jeu en 48 heures, sans demander l’avis de quiconque, et logiquement, j’ai fait quelques choix un peu rapides. Il me manque quelques cartes importantes, donc des cartes vierges sur lesquelles coller un post-it, des flèches, etc. D’autres cartes auraient pu ne pas faire partir du jeu. Donc à améliorer.
  • Certes, le jeu est versatile, mais je dois travailler en amont sur des études de cas, préparées, rédigées, et imprimées, pour cadrer un peu mieux la phase de jeu et la rattacher au déroulé de la formation. Nous y reviendrons…

Malgré ces autocritiques, je vous avoue que je suis satisfait de cette première étape. Au regard de l’investissement, et de la rapidité d’exécution du projet, le résultat est très satisfaisant.

Je dois maintenant entrer dans une phase d’amélioration continue. Et c’est là que je prends conscience du monde dans lequel je tente une incursion. Jeux de société, jeux de rôles, jeux sérieux (serious game)… je dois tout apprendre. Et cela commence par définir ce que je souhaite construire. Et là, impossible de trouver des définitions claires. Jeu de société semble signifier un jeu de plateau avec des accessoires et un objectif ; jeu de rôles décrit le côté psychologique d’une session de formation dont le but est de faire prendre conscience aux participants des comportements à avoir ; quant au jeu sérieux, beaucoup semblent faire une association avec les jeux vidéo. Or mon objectif semble être de construire un jeu de société sérieux et de rôles… Et ça ne semble pas exister !

J’ai donc commandé un certain nombre de livres dont la lecture est au programme des prochaines semaines, afin de cerner le sujet, d’écouter quelques conférences en ligne, et de passer donc à la construction de la version 2.

Ce sera un jeu de rôles, permettant à un ensemble de participants de découvrir les rôles, les étapes, les embuches, et les composants d’un département « data » dans une entreprise. Une fois établi cet objectif, tout reste à faire ! Souhaitez-moi un bon été, et promis, j’essayerai de publier quelques billets sur ce blog au fur et à mesure de l’avancement de mes travaux.

Si vous aussi, vous tombez sur cet article à l’occasion d’une recherche profonde sur le sujet, voici déjà les deux premiers livres que je vous conseille de lire :

-              Le Que Sais-Je sur les jeux de rôles, écrit par Alex Mucchielli, publié en 1974 sous l’ISBN 9782130431657 ; 128 pages synthétiques introductives.

-              Tous les secrets de l’industrie du jeu de société, écrit par Yannick Robert, publié en 2020 sous l’ISBN 9782955803776 ; 300 pages de mise en pratique par un excellent connaisseur du sujet, lui-même créateur de nombreux jeux.

Bonne lecture !