Report de la facturation électronique… tellement français !
Le gouvernement a annoncé par un communiqué de presse, discrètement publié pendant les vacances, que la facturation électronique prévue pour 2024-2026 était reportée… sans date de report.
Sur le fond, la facturation électronique consiste tout simplement à remplacer les impressions/envois de factures papier ou pdf, par l’émission de documents électroniques, comme le font déjà les grands groupes de la distribution ou de l’automobile… depuis 1990 !
Bons de commande, bons de livraison, factures, confirmations de paiement, tous ces documents transitent maintenant de système à système. Mais c’est pour l’instant réservé aux systèmes EDI développés dans les grandes entreprises.
Le calendrier initialement prévu était :
- à compter du 1er juillet 2024, en réception, à l’ensemble des assujettis,
- à compter du 1er juillet 2024, en émission, pour les grandes entreprises (effectif supérieur à 5.000 personnes ou CA supérieur à 1,5 Md€),
- à compter du 1er janvier 2025 aux entreprises de taille intermédiaire (effectif compris entre 250 et 5.000 personnes ou CA supérieur à 50€),
- à compter du 1er janvier 2026 aux petites et moyennes entreprises et micro-entreprises.
Plus de deux ans pour permettre aux petites entreprises de se mettre en conformité, on ne peut pas dire que la pression ait été trop forte !
Points positifs de la facturation électronique
- Eviter l’impression de millions de pages de factures papier, envoyées par La Poste, dans des enveloppes, qui finissent dans des classeurs… alors que l’on nous reproche le barbecue hebdomadaire, générateur des soit-disantes émissions de gaz à effet de serre, je serais curieux de connaître l’impact écologique de la paperasserie non digitalisée…
- Accélérer les phases d’envoi, de réception et de comptabilisation. “Concrètement, cela va nécessiter une revue des processus ayant attrait à la facturation, et des outils concernés . Les organisations devront être adaptées et certaines tâches seront redistribuées entre les collaborateurs. De ce point de vue, il y a fort à parier que beaucoup d’entreprises qui s’engagent dans ce processus obtiendront des gains significatifs La dématérialisation aura une incidence financière pour les entreprises au travers de : • La diminution du coût de traitement des factures • La réduction du volume de relance • Une meilleure maitrise des délais de paiement • Le traitement accéléré des factures (et leur paiement) dans le respect de la Loi de Modernisation de l’Economie • La facilitation de la déclaration de TVA qui sera pré-remplie et réduit les risques d’erreurs et de redressement fiscal”, explique Eric de Bruyn, spécialiste des sujets de dématérialisation et de transformation chez Magellan Consulting
- Permettre au Ministère des Finances de mieux contrôler les déclarations des entreprises et de vérifier que les chiffres coincident. A part les émetteurs de fausses factures, je ne vois pas qui cela pourrait déranger…
- “La dématérialisation des factures va produire une réduction significative des délais de traitement, ce qui, probablement, contribuera à des gains de compétitivité pour les entreprises. Les modalités de déclaration de la TVA seront facilitées et s’inscrivent dans la dynamique de simplification voulue par la réforme et attendue par les entreprises. Enfin les transactions internationales avec des entreprises basées dans des pays qui ont déjà adoptés la dématérialisation des factures seront facilitées ; en effet une norme internationale existe déjà et a pour vocation de standardiser et de normaliser la facturation. Outre les bénéfices escomptés pour les entreprises, la dématérialisation et les échanges de données de paiement avec la plateforme publique permettra à l’Etat de bénéficier de davantage de prédictibilité sur l’activité des entreprises, sur la TVA et de réduire les risques de fraudes”, précise Eric de Bruyn.
Points négatifs de la facturation électronique
- Cela devient beaucoup plus compliqué de faire des fausses factures… la DGI peut en effet réconcilier factures émises et factures reçues… donc moins de fraude à la TVA, et moins de factures émises rétroactivement pour arranger les comptes.
- Suppression de postes de comptables uniquement affectés à la saisie des factures dans les ERP… mais est-ce vraiment un travail à conserver ?
Comme toujours, dès l’annonce de la mise en place progressive de la facturation électronique, ont retenti les appels de tous ceux qui n’en voulaient pas…
“Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi, ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire, et l'immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire”, disait Confucius. C’est sans doute pour cela que la France est un pays si difficile à réformer. Les cris se sont donc élevés pour dénoncer cette digitalisation.
Afin de permettre aux petites entreprises de s’acquitter, dans plus de deux ans, de leurs nouvelles obligations, la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) avait décidé de mettre en place un portail, le PPF (Portail Public de Facturation), permettant de déposer, archiver, gratuitement les factures. Il n’y avait donc pour les PME, pas de coût direct lié à l’utilisation de la facturation électronique, uniquement des économies.
Mais c’est là que sont montés aux créneaux ceux qui réalisent actuellement des prestations ou vendent des logiciels de facturation électronique. Ils craignent que l’offre du PPF ne viennent les concurrencer. “Il est essentiel de rappeler à la communauté économique nationale que ces fonctionnalités sont déjà des prestations maîtrisées depuis de nombreuses années par les entreprises du numérique et les tiers archiveurs de confiance œuvrant sur le territoire français. Ces acteurs sont à ce titre responsables de la bonne réalisation des prestations d’archivage. Ils estiment donc que ces mesures - légitimes pour accompagner les plus petites entreprises à respecter les obligations de la réforme - doivent être circonscrites à ces seules petites entreprises, dont il importe de définir au préalable la taille, et limitées dans la durée afin d’éviter une pratique concurrentielle de la part des services publics en charge de la mise en œuvre de la réforme”, expliquent Fédération des Tiers de Confiance du Numérique (FNTC) et les associations professionnelles eFutura et P.A.G.E. On comprend leur inquiétude, mais soyons lucide, leur réaction est purement corporatiste.
En résumé la facturation électronique est un projet qui me semblait parfaitement aller dans le sens de la numérisation de l’économie; je n’y vois que des points positifs; les délais de mise en place étaient plus que raisonnables. Mais comme souvent, on n’ose pas imposer et donc on recule. Et l’image que cela donne de l’administration et du gouvernement est déplorable.
Mise à jour du 20/09/2023 :
Le gouvernement avait annoncé sans en expliquer les raisons, le report de la mise en place de la facturation électronique. Hier, nous en avons appris un peu plus, et l'on constate encore une fois l'incapacité de l'administration à mettre en place des projets de manière agile, et en respectant les délais.
On apprend déjà que le report cette mise en place est due aux retards du ministère des finances dans la mise en place du PPF, le Portail Public de Facturation. Le PPF serait développé par l'Agence pour l'Informatique financière de l'État (AIFE). "Les hypothèses de calendrier présentées par le Directeur Général de la DGFIP sont les suivantes : 2025 serait dédiée à la livraison du Portail Public de Facturation, aux tests, à la qualification et au déroulement de la phase pilote étalée entre 6 et 12 mois. Au 1er trimestre 2026, l’obligation de recevoir s’appliquerait ainsi que l’obligation d’émettre pour les grandes entreprises, et sans doute les ETI. Au second semestre 2026, les PME et TPE auraient à leur tour l’obligation d’émettre", explique Generix dans un communiqué après avoir participé à une réunion de concertation avec le ministère. Un décalage rejeté par Generix, qui explique être de son côté, prêt pour lancer son propre PDP (Plateforme de Dématérialisation Partenaires), tout comme une vingtaine d'entreprises qui auraient déposé un dossier en ce sens.